09 / 2007
L’expression “mouvement social urbain” est apparue en France dans les années 60, elle désigne un mouvement inscrit dans une aire géographique urbaine mais surtout un mouvement qui développe des actions et des revendications autour des questions liées à la production de la ville et plus particulièrement au logement. L’enjeu pour les mouvements sociaux urbains est la prise en compte de tous, notamment des plus fragiles, dans la mise en Ĺ“uvre des politiques publiques et l’affirmation de droits liés à la ville : accès à la terre, à l’eau, à l’éducation, à la santé…
Partant de ces objectifs, l’expression des mouvements sociaux urbains peut se traduire par des formes d’actions et d’organisations très variées : groupes d’intérêt pour la défense des droits des locataires, émeutes spontanées de quartiers ou de communautés entières, participation au conseil d’administration des bailleurs sociaux, actions de désobéissance civile (occupation, réquisitions de logements vides)…
Nouvelles réalités, nouveaux acteurs
“Les mouvements sociaux urbains se définissent par rapport à l’évolution des villes qui traduit celle des sociétés” nous dit Gustave Massiah (1). Ils naissent donc aujourd’hui en relation à la production d’une ville de quartiers ségrégués et renfermés sur eux-mêmes, une ville qui renforce précarité, discrimination et racisme. Les mouvements qui naissent en réaction à ces inégalités prennent des formes très diverses : organisés en collectif, associations ou plus spontanés allant parfois jusqu’à l’émeute. Qu’ils soient formalisés ou non, il s’agit de porter les revendications des habitants, d’amener une réflexion dans l’espace public, ou de créer un rapport de force pour obliger les pouvoirs publics à la négociation.
Dans le contexte mondial de libéralisation économique, la ville et ses acteurs sont en constante transformation et suivent presque partout des directions semblables : contestation de l’Etat, autonomie croissante des municipalités, affirmation des associations et exigence de participation au processus démocratique, imposition des entreprises et de leur mode de gestion des réseaux et services publics…
Les diverses branches et “traditions” du mouvement social pour le logement en France
Syndicats de locataires liés à la gestion “du logement HLM” et aux partis de gauche (Confédération nationale du logement, Confédération générale du logement…) ;
Associations caritatives (ATD quart monde, Emmaüs) ;
Associations de lutte “des mal logés” dans la mouvance altermondialiste qui revendiquent l’autonomie par rapport aux partis politiques et à l’État. (DAL, CDSL, Comité des mals-logés) ;
Associations de gestion qui jouent le rôle d’interface entre la population et les pouvoirs publics, avec des techniques d’intervention urbaine et d’ingénierie sociale (Pact, Fapil, Fap).
Revendications et luttes
Pour ces organisations l’enjeu des luttes est l’affirmation du droit à la ville pour tous et des droits économiques et sociaux qui en découle. Deux revendications se combinent alors : le droit à la ville et les droits dans les villes.
Les différents types de mouvements sociaux urbains amènent chacun leurs innovations pour faire avancer le respect des droits. C’est le cas par exemple des associations de “lutte” qui entrent dans un jeu de rapport de force direct avec les autorités publiques par des actes de désobéissance civile et des confrontations parfois violente. Partant des revendications pour l’accès au logement, la régularisation de l’habitat informel ou contre les expulsions elles ont permis l’émergence de la notion de “pauvre urbain” entraînant des liens croissants entre les sans-logis et les mal-logés puis un élargissement à tous les exclus de la ville (sans travail, sans papier, sans droit, sans voix…). D’autre part, des associations d’insertion ou de développement (réhabilitation, reconstruction) ont élargi leurs revendications du logement au quartier promouvant dans le même temps des nouvelles pratiques (épargne populaire, auto-construction, démocratie de proximité).
Par ailleurs, on assiste aujourd’hui à une tendance à l’articulation des mouvements sociaux urbains autour de thèmes communs et de luttes nouvelles en France : Plate forme pour le droit au logement opposable, coordination anti-démolition des quartiers populaires, “lutte des tentes” des sans-abri contre l’errance urbaine. Mais également au niveau international : campagnes internationales contre les expulsions ou la spéculation immobilière, jonctions des luttes des sans-terres et des sans-toits…
C’est ainsi que, selon Gustave Massiah, “les mouvements sociaux urbains sont porteurs de nouveaux projets de transformation sociale”.
Expériences innovantes
L’association Droit au logement (DAL) “Pour la participation des mal logés à la lutte contre l’exclusion par le logement.”
L’association DAL se présente comme un syndicat de mal-logés (personnes vivant en logements insalubres, sans-logis, ou personnes menacées d’expulsion). C’est l’une des principales associations agissant en France dans le domaine de la lutte pour le logement. Mais au-delà de la simple question du logement, elle pose le problème de la place des groupes les plus précaires dans la société.
L’association, créée en 1990, est constituée de militants, d’individus et de familles mal-logés qui s’investissent dans l’organisation d’actions collectives et participent à une lutte posée comme un combat pour l’égalité.
L’action de l’association se décline sur trois plans :
Actions de lutte : campement, réquisition, occupation, manifestation, actions en justice pour aboutir finalement à une négociation avec les pouvoirs publics.
Formation et sensibilisation à destination des familles mal-logées (formation d’été, rencontres régulières)
Affirmation du problème du mal logement dans l’espace public (actions spectaculaires et médiatisées, mobilisations et campagnes avec d’autres organisations)
L’association revendique ainsi l’arrêt des expulsions sans relogement, le relogement décent et adapté aux personnes mal logées et l’application de la loi de réquisition sur les immeubles et logements vacants. Le DAL a obtenu, depuis sa création, des relogements en habitat social pour des milliers de familles.
Un élément très important de son action est l’utilisation du droit. Articulé à la lutte, il permet d’établir petit à petit des jurisprudences favorables à un droit au logement effectif et qui prend de la valeur face au droit de propriété.
La difficulté pour ce type d’association est l’articulation entre la lutte collective et la pression des demandes individuelles qui affluent, l’obligeant à se structurer plus strictement et à se professionnaliser. Pour sortir de ces contradictions et ne pas s’enfermer dans une logique d’aide sociale, il est indispensable de développer une solide réflexion politique. Cette réflexion a amené l’association à développer une solide expertise dans le domaine des politiques du logement.
Ces réflexions ont aussi permis un élargissement sur les questions du logement (Comité des sans logis, plate forme pour le droit au logement opposable) et sur les luttes d’autres exclus sans poids politique et sans voix dans l’espace public (impulsion de la création du réseau No-vox). Enfin, le processus des forums sociaux a permis la création de partenariats internationaux et la mise en place de nombreux échanges (MNLM au Brésil, Direito à habitação au Portugal, etc.). L’association s’est ainsi peu à peu positionnée comme un acteur central du mouvement social urbain et du mouvement social en général.
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, France
Entre l’Etat, le marché et les habitants, quel avenir pour le logement en France ?
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