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dialogues, proposals, stories for global citizenship

Lutter sans contraintes ?

Les démarches volontaires, notamment dans le domaine des énergies renouvelables, se multiplient de par le monde

Edgar BLAUSTEIN

2004

Les démarches volontaires permettent de coller au plus près des préoccupations domestiques, mais ne permettent pas de régler la question de l’équité internationale.

Etant donné les multiples incertitudes qui entourent le Protocole de Kyoto, autant sur son entrée en vigueur, que sur son équité et son éventuelle efficacité, il n’est pas surprenant d’assister à l’émergence d’approches parallèles. Celles-ci se basent sur l’action volontaire d’un groupe d’acteurs et font, à des degrés divers, l’impasse sur un accord international.

La Johannesburg Renewable Energy Coalition (JREC) constitue certainement l’initiative la plus visible sur la scène internationale. La JREC résulte de la convergence entre la Brazilian Energy Initiative, menée par le secrétariat d’Etat pour l’Environnement de l’Etat de São Paolo, et la déclaration « The Way Forward on Renewable Energy », lancée au Sommet mondial pour le développement durable de Johannesburg par Margot Wallström, Commissaire européenne pour l’Environnement.

Soutenue aujourd’hui par plus de quatre-vingts pays signataires, la JREC forme une coalition politique, large et de haut niveau, du moins au sein de l’aile environnementale des gouvernements : les parties s’engagent à agir ensemble afin d’étendre le champ d’utilisation des énergies renouvelables, notamment en fixant des quotas, déterminés de manière volontaire aux échelles nationales et régionales. Mais compte tenu de la mauvaise situation budgétaire des ministères de l’Environnement, la JREC reste, pour le moment, pauvre en résultats : son principal actif étant une étude en cours sur la constitution d’un fonds d’investissement.

Le modèle allemand

D’autres actions ont des objectifs similaires, notamment le Renewable Energy and Energy Efficiency Partnership, porté par le Royaume-Uni, le Mediterranean Renewable Energy Partnership, porté par l’Italie, et la conférence internationale pour les énergies renouvelables qui s’est tenue en juin 2004 à Bonn. En Allemagne, le consensus social et politique a créé une forte demande pour des alternatives énergétiques, notamment des renouvelables. Des entreprises allemandes de l’éolienne et du photovoltaïque ont profité de cette conjoncture pour devenir des leaders mondiaux. En retour, ces industriels constituent aujourd’hui un lobby puissant. On peut résumer la situation allemande à un « consensus durable », où une demande socio-politique et environnementale rencontre une offre économique.

Ce modèle n’est pas isolé, il fonctionne aussi en Suède, en Suisse, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, des pays anglo-saxons à tradition protestante, avec une articulation spécifique entre, d’une part, l’action et la responsabilité individuelle et, d’autre part, le champ collectif-étatique.

Au niveau de l’Union européenne, la JREC fait pendant au European Climate Change Programme. Avec ses différentes directives, et dans l’hypothèse d’une entrée en vigueur du système européen de négoce de crédits carbone, l’UE se sera dotée d’une panoplie complète d’outils, comportant à la fois des « mécanismes de marché » et des « politiques et mesures ».

L’ensemble des démarches volontaristes partage l’hypothèse de l’existence d’une gamme d’actions win-win (voire win-win-win), rentables économiquement et bénéfiques sur le plan environnemental (et social). Ces démarches volontaires utilisent une gamme d’outils : actions de sensibilisation des décideurs privés et publics ; action politique pour lever des obstacles législatifs et réglementaires ; fixation d’objectifs nationaux et régionaux ; création de niches « vertes » à l’intérieur des marchés énergétiques ; soutien aux pays en développement ; instauration de mécanismes de financement.

Forces et faiblesses du volontarisme

Une telle approche volontaire peut-elle mener à une réponse au défi du changement climatique ? Le volontarisme permet d’éviter les difficultés de la négociation, qui résultent forcément en un nivellement par le bas. Il permet par exemple de contourner l’éternel débat entre les « politiques et mesures » et les « mécanismes de marché », chaque Etat définissant l’articulation la plus appropriée aux conditions nationales.

Mais l’approche volontariste comporte aussi de lourds inconvénients. Elle ne répond nullement au besoin d’équité internationale, faisant fi de la notion de « responsabilités communes mais différenciées ». Ainsi, elle ne répond pas à la question « qui paie ? » Un développement durable des filières de production et consommation d’énergie est intensive en capital, notamment pour le transport. Les pays du Sud ne pourront y faire face sans un soutien très important du Nord. L’aide publique au développement (APD) est notoirement insuffisante. Or « l’énergie durable » vient en surcoût des besoins « classiques » du développement. Les pays du Sud n’accepteront pas que l’APD soit « déviée » vers des objectifs environnementaux, considérés comme non prioritaires.

Par ailleurs, le rapport entre approche volontaire et accord négocié est complexe. Dans la vision européenne, l’approche volontaire vient en complément des accords internationaux existants, notamment de Kyoto. Par contre, pour les Etats-Unis, cette approche est considérée comme alternative au Protocole de Kyoto, voire comme un instrument pour le « torpiller ». En effet, des actions volontaires pourraient constituer une soupape de sécurité politique, empêchant tout progrès vers un accord international (dans, ou en dehors de Kyoto). Elles permettent d’éloigner le problème du changement climatique, en le déplaçant sur un domaine d’action charitable : la solution est chez les autres, il faut donner/vendre des photopiles aux pauvres du tiers monde. Cette vision du « not in my back yard » est malheureusement renforcée par l’équivalence spécieuse :

Renouvelables = énergie pour les PED = solution pour le changement climatique.

Finalement, l’approche volontaire est partiellement prisonnière du « lobby » des renouvelables. Il est bien plus facile de vendre des équipements que d’adopter une approche énergétique globale. La faiblesse du volet « efficacité énergétique » est en cela significative : par exemple, les approches volontaires font largement l’impasse sur les défis du secteur des transports, avec ses investissements lourds, ses obligations de changer de mode de vie, etc.

Cela étant, comme le domaine du changement climatique est vaste, il serait illusoire de porter un jugement global sur des actions volontaires. Il est certainement sain que des acteurs de la société civile abordent le problème avec les outils à leur disposition et compréhensible qu’ils se focalisent sur les domaines où des résultats rapides sont à portée de main.

L’attitude des Etats est plus complexe à analyser. Certes, ils doivent encourager et soutenir les efforts de la société civile. Mais qu’en est-il de leur devoir par rapport au long terme, à l’équité internationale, aux décisions difficiles et douloureuses mais essentielles ? Encore devons-nous distinguer entre l’Allemagne, qui engage une démarche cohérente dotée de moyens importants, la France, qui soutient tout du bout des lèvres, ou les Etats-Unis, pour qui l’approche volontaire correspond à la fois à la culture politique mais aussi à une véritable volonté de saboter la sphère multilatérale.

L’approche volontaire permettra-t-elle la coordination d’un foisonnement d’initiatives complémentaires, à tous les niveaux, intégrées dans un système politique avec le soutien des autorités nationales et internationales ? Ou bien est-ce la feuille de vigne, les voeux pieux, masquant une politique de l’autruche ?

Key words

climate change, energy policy, energy production, renewable energy, developing countries

file

Lutte contre le réchauffement climatique (Cahier de Global Chance n°19, réalisé avec le Courrier de la Planète)

Notes

Pour en savoir plus

H. D. Venema, M. Cisse, Seeing the light – Adapting to climate change with decentralized renewable energy in developing countries. IISD, Climate Change Knowledge Network, 2004.

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