2007
Contre les approches normatives de la « bonne gouvernance », ces Chroniques se proposent d’ouvrir la réflexion sur une notion omniprésente dans le discours actuel, mais qui continue de soulever bien des questions. Les Chroniques de la gouvernance sont composées d’un grand nombre d’articles, certains déjà parus, dans Courrier international notamment, d’autre rédigés spécialement pour la revue. La diversité des points de vue adoptés et ds thèmes abordés en fait un outil riche et vivant, propre à susciter la reflexion. Accessibles à tous, les Chroniques sont agrémentées de nombreuses chronologies.
L’ouvrage « Chroniques de la gouvernance 2007 » est téléchargeable en ligne, sur le site des ECLM.
Introduction
Donner à voir, à partir des événements de 2006, les grandes évolutions des pratiques et de la pensée en matière de gouvernance, telle est l’ambition de ce premier numéro des chroniques annuelles proposées par l’Institut pour un nouveau débat sur la gouvernance (IRG). Les faits sélectionnés et analysés ici ne sont pas toujours forcément des « signaux forts », repérés par la plupart des observateurs. Ils peuvent constituer aussi des « signaux faibles », mais significatifs de l’apparition de nouvelles idées, de nouvelles façons de pratiquer ou remettre en question la gouvernance.
Présenter cette première édition en quelques mots relève à vrai dire de la gageure, tant elle a été modelée, façonnée, partagée par l’ensemble des personnes qui ont participé à sa conception. Nous les remercions ici pour leur contribution et leur implication sans faille dans ce projet, dont il faut souligner le caractère avant tout collectif.
Face à la pluralité des approches et des définitions de la gouvernance qui ont été proposées jusqu’ici dans bien des travaux académiques ou institutionnels, l’ambition des Chroniques de la gouvernance n’est pas de trancher ou de porter telle définition plutôt que telle autre. Parler de « bonne gouvernance » est porteur de représentations idéologiques et de conceptions particulières de l’ordre social dont la pertinence et l’efficacité a de quoi faire douter : l’IRG, dans sa vocation interculturelle, se refuse à toute prescription.
En tout état de cause, la gouvernance n’est pas à proprement parler un concept, quel que soit le sens, philosophique ou sociologique, que l’on donne à ce terme : car le propre d’un concept est d’être relativement invariable. Comme nous le montre Bob Jessop (1) la notion de gouvernance ne constituera un véritable cadre conceptuel que lorsque l’on pourra montrer l’existence de profondes recompositions de l’État, et leurs implications en termes de hiérarchie, de pouvoir et de monopole.
Pourtant, nous avons l’intuition que quelque chose est en train de changer, que nous traversons une période transitoire, de relative confusion des pouvoirs, comparable au « désordre » de la fin de l’âge féodal, et qu’un processus de recomposition, de redistribution des cartes, est effectivement à l’oeuvre. Ainsi une méthode possible pour cerner l’ancrage de la notion de gouvernance dans une réalité consiste à formuler un certain nombre d’hypothèses et à les tester empiriquement.
C’est cette méthode qui a déterminé la structure et le contenu des Chroniques de la gouvernance. Cinq hypothèses sont avancées : 1) celle de la coexistence de différentes échelles de pouvoirs, supra- et infra-étatiques, et non plus seulement étatiques, 2) celle d’une érosion de la légitimité de l’État, redistribuée entre une foultitude d’acteurs, notamment institutionnels mais aussi bien souvent privés, 3) celle d’une perte de capacité des gouvernements à contrôler l’ordre social, 4) celle de nouvelles formes, horizontales, de participation au pouvoir, dépassant les canaux hiérarchiques et représentatifs traditionnels, 5) celle enfin de l’existence de nouveaux mécanismes collectifs de gestion des problèmes, la consultation et la concertation remplaçant progressivement les modes autoritaires de prise de décision. Ce sont là les cinq entrées d’analyse utilisées par l’IRG dans ses travaux. Cinq hypothèses que nous proposons de tester, chaque année, à travers des articles résolument ancrés dans l’actualité, différant par leurs auteurs, leurs origines, leurs sujets, leurs styles et leurs points de vue, mais répondant tous de façon plus ou moins directe à la question, formulée notamment par Elke Krahmann (2), du passage d’une logique de gouvernement à une logique de gouvernance.
Les Chroniques de la gouvernance n’ont pas pour ambition une quelconque exhaustivité dans le traitement de ces questions. En revanche, elles sont bâties sur le souci constant de la diversité des approches, condition indispensable au débat sur la gouvernance que l’IRG entend promouvoir. Car la gouvernance, avant d’être pure technique ou pur savoir-faire, est aussi un art, qui se nourrit de représentations, de traditions, de pratiques et d’opportunités variables selon les contextes ; un art qui consiste à ordonner un monde certes complexe, mais pas si nouveau que l’on veut parfois le prétendre, car posant les mêmes questions qu’hier, celles de la légitimité, du pouvoir, de l’individu face à l’État, bref de la politique.
La structure de ces Chroniques aspire à restituer la diversité des discours portant sur la gouvernance, notion en voie de formalisation. En tout état de cause, le discours sur la gouvernance ne saurait être unique, les processus à l’oeuvre n’ayant rien de linéaire : ici la rupture, là la continuité, parfois la coexistence des deux dans une fluidité des formes, entre gouvernement et gouvernance, qui n’est pas sans rappeler les Métamorphoses d’Ovide. Retournons la glèbe, regardons et comprenons. C’est à un exercice de topographie du changement, à une observation des formes et des pratiques, que vous invitent ces Chroniques de la gouvernance.
Pascal Delisle – Président de l’IRG, Hélène Nieul, Vincent Guimard - coordinateurs des Chroniques de la gouvernance, Michel Sauquet et Martin Vielajus - directeur et directeur-adjoint de l’IRG
international cooperation, governance, politics
L’ouvrage « Chroniques de la gouvernance 2007 »
IRG. Chroniques de la gouvernance 2007. Paris : ECLM (Editions Charles Léopold Mayer), 2007. 222 p. ISBN 978-2-84377-136-1. 18€
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