De l’origine de la domination étasunienne actuelle dans les industries pionnières
04 / 2006
Google, Yahoo, Myriad genetics, Oracle,… autant de firmes qui illustrent à merveille le dynamisme économique américain de la décennie quatre-vingt-dix, et de feu la nouvelle économie.
Comment donc expliquer l’aptitude étasunienne à engendrer et promouvoir des industries pionnières, des secteurs innovants (NTCI…) ?
Pour F. Orsi et B. Coriat, cette capacité a pour base une complémentarité des réformes institutionnelles et financières.
Tout d’abord, il y a à l’origine, de ce monopole quasi, sinon mondial, une série d’amendements législatifs offrant une ouverture du domaine des brevets à des acteurs nouveaux. Dès 1980, le Bayh-Dole Act autorise le dépôt de brevet sur les résultats de la recherche publique mais également leur cession à des firmes privées sous formes de licences exclusives. La recherche scientifique n’est donc plus ce « bien public » jusqu’alors incité et protégé par le législateur. En effet, l’Etat octroyait auparavant des subventions en contrepartie d’une « mise à disposition sous forme gratuite et libre de résultat de la recherche » et attribuait des brevets partiels et additionnels pour les inventions dites utiles, c’est à dire « réutilisables par la communauté des inventeurs » .
Selon la même logique, les droits de propriété intellectuelle vont être amendés. Les deux principaux domaines visés étant ceux du logiciel et du vivant. Sont alors ouverts à la brevabilité : des algorithmes, des « business models » , les micro-organismes… mais aussi les inputs des inventions futures, ces évolutions menant à une abolition de la frontière séparant les découvertes des inventions, la sphère de la production des connaissances de celui de leur marchandisation.
Mais la mise en place d’un tel système nécessitait également une adaptation de la finance. Un changement de réglementation est alors opéré par la NASD (National Association of Securities Dealers) autorisant aux entreprises déficitaires l’entrée en bourse, sous condition qu’elles soient détentrices d’un capital dit « intangible » , i.e composé de DPI. A cela, va s’ajouter la réglementation « alternative 2 » offrant à ces firmes l’accès au marché primaire du Nasdaq.
C’est donc ce couple, cette complémentarité « institutionnelle particulière entre droit de la propriété intellectuelle d’un côté et réglementation sur le marché financier de l’autre » qui est à l’origine de cette domination des firmes américaines dans les secteurs innovants.
Cette configuration n’est cependant pas soutenable, et ce, pour plusieurs raisons :
notons tout d’abord la difficulté d’évaluation d’une firme dont le capital est constitué de brevets, de gènes ou pire d’algorithmes
toujours dans les problèmes d’évaluation, celui de la délégation aux acteurs financiers de l’évaluation scientifique
ensuite, viennent se greffer les problèmes liés à la déréglementation financière, et son cortège de pratiques financières et comptables frauduleuses
et enfin, paradoxalement, la nouvelle législation réglementant la propriété intellectuelle peut provoquer une contraction de la concurrence et de la dynamique d’innovation, le coût d’accès à la connaissance devenant coûteux, il est en effet possible que de nombreuses firmes soient découragées de se lancer dans certains secteurs innovants.
financing, innovation, intellectual property
, United states
Économie, société et environnement : des éléments de réflexion pour une société durable
Ideas, Experiences and Proposals On Sciences and Democracy
L’intérêt de cet article est double :
Tout d’abord parce qu’il met clairement en évidence le rôle indispensable des institutions, du cadre juridique… quant à la spécialisation et à la mise en place d’une certaine trajectoire économique dans un système capitaliste,
Mais aussi parce qu’il illustre le caractère non durable à COURT TERME du capitalisme tel qu’il se développe aujourd’hui.
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ORSI Fabienne Orsi, CORIAT Benjamin, Droits de propriété intellectuelle, marchés financiers et innovation. Une configuration soutenable ? in La lettre de la régulation n°- 45, juillet 2003.
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