(Solidarités Nouvelles)
07 / 2005
Solidarités Nouvelles est une association sans but lucratif (asbl) née en 1973 en Belgique. Créée au départ pour répondre à des questions sur les logements sociaux, son champs d’action s’est peu à peu élargi à toutes les questions concernant le logement. Solidarités Nouvelles a aujourd’hui comme objectif principal d’appuyer les personnes pour qu’elles puissent faire valoir leurs droits en matière de logement. L’association agit aux côtés des personnes en situation de précarité, sans jamais se mettre à leur place. Les 7 salariés de l’association et les bénévoles n’ont pas de formation juridique spécifique. Ils ont tout appris lors des permanences juridiques. Sur le terrain du droit, Solidarités Nouvelles a développé différentes expériences.
Permettre une approche concrète du droit
Inviter à des rencontres entre habitants et professionnels du droit : l’expérience de « Justice en mouvement »
« Justice en mouvement » est une expérience engagée par Solidarités Nouvelles en 1997. Elle s’est déroulée sur 3 ans. Il s’agissait d’aider des citoyens en situation de précarité à exprimer les difficultés qu’ils rencontraient face à la justice : comprendre une procédure judiciaire, savoir se faire entendre sans forcément être représenté par un avocat, etc. Des ateliers ont ainsi été mis en place sur diverses thématiques en confrontant directement les personnes à des juges de paix, des juristes, des avocats, etc. Cette expérience a permis aux professionnels du droit et aux habitants de mieux connaître les réalités des uns et des autres, de faire tomber certains préjugés et de démystifier le monde de la justice.
Le travail autour de la réglementation sur le permis locatif
Une loi belge d’octobre 1998 prévoit l’exigence d’un permis de location pour des logements de 28 m2 ou moins. Ces logements doivent répondre à des critères minimaux de qualité (salubrité, superficie habitable, nombre de pièces…). Ce permis locatif doit être délivré par l’administration communale, sur demande du propriétaire.
Solidarités Nouvelles a constaté que cette loi pouvait avoir des effets néfastes, notamment en ce qui concerne les logements pour lesquels les propriétaires ne disposaient pas de ce permis. Ces logements sans permis locatif étaient en effet considérés comme ne pouvant pas être légalement loués et le bail signé entre le locataire et le propriétaire n’était pas valable. Cette situation avait pour conséquence de mettre le locataire en situation très précaire puisqu’il pouvait perdre son logement du jour au lendemain. La loi avait également pour conséquence de faire disparaître les logements de petite taille, pourtant nécessaires à bon nombre de personnes disposant de ressources modestes.
L’un des ateliers organisés dans le cadre de « Justice en mouvement » a porté sur cette problématique et des actions de sensibilisation des juges et de l’opinion publique ont été menées. La jurisprudence a fini par énoncer clairement qu’un locataire ne disposant plus de bail faute de permis locatif pouvait attaquer le propriétaire en justice afin de toucher des dommages et intérêts et récupérer les loyers indûment perçus du fait de l’absence de contrat. Grâce à cette sensibilisation, le critère de métrage permettant de déclarer un appartement impropre à la location a été assoupli. De petits logements respectant les critères de salubrité ont pu rester sur le marché de la location.
Solidarités Nouvelles a également publié une brochure qui explique clairement le décret relatif au permis locatif, en mettant en garde contre certains de ses effets et en soulignant les contradictions de certaines de ses applications. Cette brochure a été présentée à la Région wallonne afin que celle-ci procède à une relecture du projet en portant une attention particulière aux points et questions soulevés par l’association. Elle sert aussi d’outil de travail lors de rencontres organisées avec les instances communales avec lesquelles collabore Solidarités Nouvelles.
De l’action individuelle à l’action collective : les permanences
Solidarités Nouvelles propose des permanences d’accueil gratuites sur les questions liées au logement. Lorsque le problème exposé est un problème individuel, l’association donne des informations, oriente ou propose un accompagnement.
Mais ces permanences sont souvent l’occasion d’identifier des problèmes collectifs récurrents dans certains endroits où se développent des pratiques abusives. Dans ce cas de figure, l’association essaie d’inciter les gens à participer à des « groupes d’action droit au logement ». Au sein de ces groupes de parole collectifs, les personnes sont amenées à présenter leur situation, dans l’objectif de pouvoir faire valoir leurs droits.
Ces groupes représentent une concrétisation d’un des objectifs essentiels de l’association. En effet, afin de susciter de nouvelles solidarités, le préalable est de réunir sur le terrain des partenaires sociaux préoccupés de promouvoir le droit au logement et surtout des personnes vivant des situations qui sont en contradiction avec ce droit. Il importe de changer le regard sur le droit : mieux comprendre sa situation, les réglementations/législations applicables, les outils légaux disponibles, leurs limites, etc tout en s’appuyant sur l’expérience d’autres participants. Il s’agit aussi d’établir d’une relation avec les « professionnels » du travail social et d’entrer dans une construction commune. C’est pourquoi ces derniers soutiennent l’émergence et l’organisation de tels groupes dans différents centres urbains. Ils tentent également d’établir des contacts avec différents groupes existants.
Les permanences ont par exemple permis à Solidarités Nouvelles de se mobiliser sur le problème des « habitants permanents » en parcs résidentiels ou en campings. De nombreux résidents avaient fait appel à l’association car n’ayant pas de bail, ils ne bénéficiaient pas du statut de locataire et étaient victimes des abus de certains propriétaires de camping. Solidarités Nouvelles s’est battue en organisant des collectifs (habitants et associations) pour qu’un cadre législatif soit adopté afin de réglementer la situation des habitants permanents. Un arrêté a finalement été pris. Un plan dénommé « HP » (habitat permanent) a été lançé en 2004. Il donne la possibilité aux administrations communales de mettre en place une antenne sociale s’il y a trop d’habitants permanents et de désigner un agent de concertation pour faire le lien entre les habitants permanents et les autorités. Dans ce cadre, l’association sert de relais et de lien entre les pouvoirs publics et les personnes afin que leur voix soit entendue.
Toutes ces mobilisations, par le biais d’actions collectives ou individuelles, ont fini par avoir des incidences sur le droit. Des jugements ont été rendus en faveur de personnes en situation de précarité, des plaintes ont été abandonnées… Les mobilisations collectives (pétitions, manifestations,…) permettent aussi aux gens de se rendre compte qu’ils ne sont pas les seuls à vivre ces problèmes. Ils se sentent moins isolés dans leur lutte et retrouvent leur dignité.
La médiation paritaire
Il s’agit d’une expérience menée par Solidarités Nouvelles, l’Agence Immobilière Sociale (AIS) de Charleroi, le Centre Public d’Action Sociale (CPAS) la Ville de Charleroi, le Fonds du Logement des Familles Nombreuses, le SEPI (Immobilière) et le Syndicat National des Propriétaires (SNP). Cette initiative tente d’aider les locataires qui ont généralement peur d’aller en justice en cas de litige avec leur propriétaire.
La médiation paritaire propose une alternative : une négociation entre un représentant des propriétaires (le SEPI, le SNP ou l’AIS) et un représentant des locataires (Solidarités Nouvelles ou le CPAS). Lorsque le locataire est victime d’un abus flagrant de la part du propriétaire, l’association insiste pour qu’il aille en justice. En revanche, la médiation est proposée au locataire lorsque les deux parties ont des éléments à faire valoir et qu’une négociation est possible. On essaie alors de trouver un terrain d’entente entre les deux. L’association représentant le locataire présente un dossier au représentant du propriétaire, lequel choisit d’accepter ou non la médiation. Les deux parties ainsi que leurs représentants respectifs sont présents. Si une entente est trouvée entre le propriétaire et le locataire, un suivi est alors prévu afin de contrôler l’application du compromis. Si la médiation n’aboutit pas, une autre rencontre peut être proposée, le cas échéant en présence d’un juriste chargé d’informer sur les dispositifs légaux et les implications d’un éventuel jugement.
Faire évoluer le droit au niveau régional ou national
La ville de Charleroi a récemment décidé de réglementer la mendicité en élaborant des projets d’arrêtés municipaux « anti-mendicité ». La prévision de cette nouvelle réglementation a soulevé de vives réactions, notamment parmi la population la plus démunie. C’est l’une des premières fois que ces personnes se sont mobilisées et organisées, exigeant le retrait des projets d’arrêtés. Ils ont fait signer aux habitants de la ville des pétitions pour que cette question soit inscrite à l’ordre du jour du conseil municipal et ont obtenu gain de cause. Un débat public a ainsi eu lieu et les projets ont finalement été retirés.
Solidarités Nouvelles intervient également au sein du Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté, qui réalise actuellement un travail sur l’accès au droit et à la justice. Ce travail, lancé en 2004, comprend 3 phases : une première phase consacrée au recueil de la parole les gens : « quand on parle du droit, qu’est ce que cela évoque chez vous ? » ; une seconde phase consacrée à l’analyse de ces témoignages au travers de 3 thèmes principaux : l’emploi, la santé et le logement ; une troisième phase consacrée à l’élaboration de propositions.
L’association a également été sollicitée au moment de la refonte du Code wallon du logement. Elle a pu faire une analyse critique des divers amendements proposés. Elle participe au Conseil supérieur du logement. En divers lieux, elle est régulièrement invitée à faire état de ses réflexions sur la réalité de terrain confrontée à la législation. L’intérêt est de pouvoir porter la parole des gens dans les instances chargées d’élaborer et d’évaluer le droit.
right to housing, legal action, legal training, creation of legal rights, role of the State, popular education
, Belgium
Pratiques du droit, productions du droit : initiatives populaires, 2005
Interview
Réalisé en avril 2005 : Solidarités Nouvelles, 36-A rue Léopold, 6000 Charleroi, BELGIQUE - sn.secretariat AT skynet.be
Juristes Solidarités - Espace Comme vous Emoi, 5 rue de la Révolution, 93100 Montreuil, FRANCE - Tél. : 33 (0)1 48 51 39 91 - France - www.agirledroit.org/fr - jur-sol (@) globenet.org