Les chefs d’Etat et de gouvernement des 25 Etats membres de l’Union européenne ont adopté en juin 2004 à Bruxelles et signé le 29 octobre à Rome le « traité instituant une Constitution européenne » (TCE) sur la base des travaux menés pendant 18 mois par la Convention sur l’avenir de l’Europe.
Ce texte est soumis à ratification dans chacun des Etats membres, avec des procédures différentes selon les pays. En France, le président de la République a organisé un référendum le 29 mai 2005 qui a conduit au rejet du TCE par la majorité des citoyens français.
Parmi les grands enjeux abordés, figure l’avenir des services publics (services d’intérêt général dans le langage communautaire). Ceux-ci ont fait l’objet depuis près de 20 ans d’une politique européenne active de libéralisation, au point de mettre en cause l’existence même des services publics.
Qu’apporte le projet de traité constitutionnel en matière de services publics ?
Deux angles permettent de l’apprécier : d’une part l’examen du texte lui même, d’autre part sa comparaison avec les traités existants jusqu’alors.
De ce double point de vue, le traité constitutionnel comporte quatre avancées en matière de services publics :
d’abord, le fait qu’il intègre la Charte des droits fondamentaux élaborée en 2000 (deuxième partie du traité constitutionnel) devrait rendre justiciable, au niveau européen, l’accès aux services publics tel qu’il est prévu par les législations et pratiques nationales. L’Union européenne devrait être contrainte de respecter les règles nationales.
Article II-96 : « Accès aux services d’intérêt économique général. L’Union reconnaît et respecte l’accès aux services d’intérêt économique général tel qu’il est prévu par les législations nationales, conformément à la Constitution, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l’Union » .
La charte "place la personne au coeur de son action" et pour cela s’appuie sur les valeurs de la dignité et de la solidarité qui s’opposent à la vision dogmatique de la construction européenne avec le seul outil de la concurrence. Elle devrait couvrir l’ensemble des droits de la personne et du citoyen (civils, politiques, économiques, sociaux, environnementaux). L’intégrer au texte constitutionnel représenterait une avancée indiscutable pour l’ensemble des peuples de l’Union, et offrirait la possibilité de faire du droit secondaire européen sur l’articulation entre droits fondamentaux et SIG.
Ensuite, l’article III-122 complète et renforce l’actuel article 16 :
d’une part en en faisant une « disposition d’application générale » au début de la troisième partie, donc applicable dans toutes les politiques et le fonctionnement de l’Union (y compris dans les politiques de concurrence et de marché intérieur),
d’autre part en en faisant la base d’un droit dérivé (une loi européenne) permettant de garantir l’existence, le fonctionnement et le financement des services publics,
enfin en faisant explicitement référence aux libertés des autorités nationales et locales (« sans préjudice de la compétence qu’ont les Etats membres, dans le respect de la Constitution, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services » ).
Article III-122 : « Sans préjudice des articles I-5, III-166, III-167 et III-238, et eu égard à la place qu’occupent les services d’intérêt économique général en tant que services auxquels tous dans l’Union attribuent une valeur ainsi qu’au rôle qu’ils jouent dans la promotion de sa cohésion sociale et territoriale, l’Union et les Etats membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d’application de la Constitution, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d’accomplir leurs missions. La loi européenne établit ces principes et fixe ces conditions, sans préjudice de la compétence qu’ont les Etats membres, dans le respect de la Constitution, de fournir, de faire exécuter et de financer ces services ».
L’article III-122 ouvre la possibilité de préciser dans une loi européenne l’articulation entre SIG et concurrence.
Ces possibilités de faire coïncider les objectifs de l’Union avec les droits fondamentaux pour qu’ensemble ils deviennent la référence concrète des politiques et actions de l’Union dans tous les domaines ne doivent pas être abandonnées.
Il paraît opportun que l’Union décide de mettre en oeuvre, sans attendre, l’article III-122. Il reste encore de nombreuses initiatives à prendre pour que se définisse une conception européenne des services publics. Pour cela, il nous faut continuer à nous mobiliser, à peser pour que soient prises les dispositions nécessaires au niveau de l’Union Européennee et que pour les droits fondamentaux de la personne et du citoyen soient garantis. Que le débat public et démocratique se poursuive, que les citoyens développent leur capacité d’intervention…
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, Europe, Union Européenne
Cet article est une contribution au débat sur le Traité constitutionnel par Pierre Bauby et n’engage que son auteur.
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