2005
L’usager est celui qui utilise un bien, un service, pour satisfaire un besoin. L’usager d’un service public est également citoyen car l’activité du service public relève de l’intérêt général. L’usager-citoyen détient une expérience vécue du service différente de celle, interne, des agents, des services… L’amélioration de la qualité des services publics, la connaissance des dysfonctionnements et leurs corrections supposent la concertation entre services et usagers.
I - Usagers et services publics
Les modes de relation possibles entre les usagers et les services publics peuvent être classées selon cette échelle :
Participation
x------------•--------------•--------------•--------------•-------------x
Information Consultation Concertation Partenariat
L’information : au sens traditionnel, elle est diffusée uniformément du sommet vers la base. Elle est censée s’imposer a priori aux administrés même s’ils l’ignorent, à travers une relation hiérarchique uniforme. Elle est alors l’inverse du renseignement, réponse particulière, en situation à une demande spécifique.
La consultation se définit par la demande d’avis de l’usager mais le non-partage par le décideur du processus (échéancier, questionnement, conclusions…). Les cahiers de suggestions, sondages, réunions de groupes d’utilisateurs anonymes… en sont les outils habituels.
La concertation se distingue de la consultation à partir du moment où l’usager est considéré comme un interlocuteur et où les décisions prises tiennent compte des points de vue exprimés. Les comités d’utilisateurs se réunissant sur des projets en sont l’exemple type.
Le partenariat suppose une certaine institutionnalisation de la pratique de la concertation, une stabilité et reconnaissance mutuelle des partenaires ainsi qu’une implication forte de la direction de l’organisme public. Pour fonctionner efficacement et durablement, il nécessite un consensus sur le domaine des décisions partagées, l’évaluation des résultats (acteurs, processus…), et sur leur mode d’intégration dans l’organisme public.
Les instances de partenariat peuvent être des comités de quartier, de pilotage de projets, le conseil d’administration. Elles peuvent utiliser cahiers de suggestions, sondages, réunions de groupes d’utilisateurs…
II – Différentes modalités, différents outils de participation
A/ La participation peut s’opérer à différentes phases du processus de gestion publique
L’identification et l’analyse des besoins : les usagers peuvent y raconter leurs expériences, leurs difficultés.
Le choix des orientations : les usagers pourront faire valoir différentes options pour répondre aux besoins, faire des propositions qui faciliteront la mise en Ĺ“uvre des prestations.
La production de la prestation : co-réalisateurs du service public, les usagers peuvent participer plus ou moins activement à la constitution des dossiers, au ramassage ou au tri des déchets, à l’apprentissage scolaire avec les enseignants et les parents… avec des conséquences directes sur la qualité et le coût du service.
L’évaluation du service public existe toujours, ne serait-ce qu’implicitement, à travers le sentiment de chacun et les conséquences plus ou moins visibles et immédiates du service rendu. Son explicitation est la condition nécessaire du progrès et doit faire l’objet d’études systématiques mettant en évidence constats, conséquences, causes, pistes d’actions, ainsi que les choix qui ont été faits et ceux qui peuvent l’être.
La correction du service rendu se fait à travers réclamations, groupes de travail, enquêtes…
B/ Les outils de participation
La réclamation, orale ou écrite, peut être adressée à l’agent, au service, ou à l’administration, directement, via une association d’usagers, ou un médiateur.
La médiation est d’abord (au sens large) une fonction sociale. Elle est alors assurée, sous diverses formes et à différents niveaux, tant par les agents que par les associations et les syndicats. Mais c’est aussi une institution spécialisée dans la solution des conflits, dont se sont dotés différents organismes de service public.
Le comité consultatif, (comité de quartier, de ligne de transport, de service) organisé ponctuellement ou périodiquement, en accord entre les usagers et le service public pour débattre d’un ordre du jour. Il permet d’être informé, d’exprimer et de débattre de problèmes, de solutions possibles et doit aboutir à des décisions.
La réunion d’utilisateurs, le sondage d’opinion, l’enquête de satisfaction sont réalisés de façon ponctuelle ou régulière par une institution, une association d’usagers ou une instance de concertation commune pour connaître le comportement, l’avis d’un ou plusieurs échantillons d’usagers sur un service particulier.
La conférence de citoyens utilise le mode participatif pour éclairer les décideurs sur une question importante pour l’avenir : un groupe de 15 à 20 personnes donne un avis sur une question posée, après avoir reçu une information complète sur le sujet et avoir examiné avec des experts et des représentants, les différents intérêts en jeu. Il s’agit, ensuite, de réaliser avec eux un diagnostic partagé puis de les amener à élaborer, au cours de rencontres avec des personnes-ressources, des propositions de voie de progrès.
Le débat public permet l’expression et la confrontation des idées portant sur les choix à réaliser. Il permet d’entendre les différents points de vue, les différents éléments à prendre en compte, de se faire une opinion ou de faire évoluer son opinion et d’éclairer la décision.
Le vote ou le référendum permettent de connaître le choix des citoyens. Ils peuvent être décisionnels ou simplement consultatifs. La clarté de la question et du débat préalable sont essentiels.
Le budget participatif favorise l’exercice d’une citoyenneté active et constitue un instrument d’une meilleure gestion publique.
Le recours en justice sert à obtenir réparation, à éviter que cela ne recommence, à faire naître une jurisprudence. Échec de la concertation, il remet la décision à une compétence tierce.
C/ Les démarches de participation usagers - organismes publics
La réalisation participative du service : usagers et associations prennent parfois en charge la plus grande partie de la réalisation d’un service (domaine social). Parfois vécue comme un abandon du service public, elle devrait être plus organisée.
L’évaluation participative permet d’identifier la satisfaction des attentes, des objectifs, les résultats directs ou indirects et d’en tirer des leçons. Rare de façon approfondie, elle devrait se développer sous la pression européenne.
L’amélioration participative du service est le fait de groupes de travail et se situe souvent dans le prolongement de l’évaluation.
La conception participative : son objet est de définir ou redéfinir un service avec la participation des acteurs concernés. Encore rare, elle existe notamment pour définir échangeurs et tracés routiers.
La gestion participative du service à travers le conseil d’administration : elle permet aux représentants des usagers de participer comme administrateurs à la gestion de l’établissement public (école, hôpital, entreprise publique…). Dommage que les administrateurs représentant des usagers aient souvent peu de poids et soient nommés et non pas élus (sauf à l’école), ce qui restreint leur légitimité.
III - Les conditions
La réalité de la concertation ne se décrète pas : elle ne relève pas d’abord de la réglementation, mais de la volonté (et de l’autonomie) managériale de l’expérimenter là où ses conditions sont réunies. Le mieux que la réglementation puisse faire, c’est de la rendre possible et de la conforter.
Elle suppose une perspective stratégique longue, qui donne de l’autonomie aux niveaux locaux de l’organisme et permette de contractualiser la désignation de responsables locaux : ils doivent rester en fonction le temps de l’élaboration et de la réalisation d’un projet local afin de responsabiliser les équipes. Cela suppose aussi une démarche managériale d’ensemble. Les cloisonnements entre services, entre directions et avec les tutelles la vident de contenu parce que l’information pertinente ne circule pas.
Une concertation nationale satisfaisante suppose :
des décisions prises après (et non avant) les réunions,
des ordres du jour ouverts (pas de sujet tabous comme la tarification, au début de la concertation à la SNCF),
des comptes-rendus impartiaux adressés à temps à tous les participants,
une diffusion croisée des comptes-rendus entre les niveaux national et local.
Les niveaux national et local de la concertation sont complémentaires :
Le niveau national permet une vue d’ensemble par comparaison des initiatives locales fortes. Le niveau local apporte l’expérience irremplaçable des dysfonctionnements concrets, souvent à cheval sur plusieurs dimensions fonctionnelles de l’organisme. Il se nourrit des informations reçues du niveau national, dont il permet de tester la pertinence et qu’il alimente à son tour en exemples et idées nouvelles. Son socle, c’est le traitement des plaintes. Mais son domaine peut aller bien au-delà – surtout s’il existe une synergie avec la concertation nationale.
Le niveau européen sera celui (dans un premier temps) de la comparaison et de la coordination entre les concertations nationales et locales des pays membres.
public service ethics, governance, participation of inhabitants, participative democracy
Articles de Philippe Brachet, membre de l’ADELS, sur la participation des usagers dans les services publics
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