Quand l’environnement se dégrade, le sort des femmes s’aggrave
10 / 2005
A quelqu’un qui lui posait cette question « Quand on prépare les plans nationaux, à quoi doit-on penser le plus », le mahatma Ghandi a répondu « Ayez à l’esprit le dernier des hommes ». On sait que, dans la pratique, le dernier des hommes est souvent une femme. Aucun autre groupe ne subit les conséquences de la dégradation de l’environnement autant que les femmes pauvres des campagnes. Au petit matin, elles ont devant elles la perspective d’une longue marche à la recherche de combustible, de nourriture pour les bêtes et d’eau. Qu’importe si la femme est âgée, jeune, enceinte : il faut bien, jour après jour, répondre aux besoins essentiels du ménage. A mesure que l’environnement se dégrade, la longue marche s’allonge encore et la fatigue devient plus pesante. (Anil Agarwal, in Quand reverdiront les villages)
A la télévision, on voit parfois des hommes qui font la cuisine ou même la lessive. Dans la réalité, cela reste le travail des femmes. Plus on descend dans l’échelle sociale, moins on trouve d’hommes à participer à des tâches ménagères. Il suffit de descendre quelques barreaux pour ne plus voir de fours à micro-ondes, de réfrigérateurs, de machines à laver. Vers le milieu de l’échelle, la bonbone de gaz rouge classique disparaît. Tout à fait dans le bas, avec un peu de chance, on trouvera quelques racines plus ou moins humides pour cuire la nourriture. S’ajoutent à cela des préjugés sociaux, des dogmes intangibles, la lourdeur des responsabilités, des difficultés physiques. Au bas de l’échelle, qu’importe si la femme a 8 ou 80 ans, si elle est malade ou enceinte : il faut absolument trouver de la nourriture, de l’eau pour la famille, il faut faire manger les bêtes, il faut s’occuper du champ lorsque l’homme est parti en ville chercher du travail. Le bois, l’eau, la nourriture des animaux c’est le travail des femmes. La vie des femmes est bien davantage liée à l’état des ressources naturelles disponibles que ne le sont les hommes. On ne doit pas s’étonner qu’elles souffrent plus de la dégradation de l’environnement : déforestation, pénurie d’eau, appauvrissement des sols, pollution d’origine agricole, industrielle, organique. Tout cela a des répercussions sur la charge de travail des femmes, sur leur alimentation, sur leur santé.
A cause de la déforestation, la collecte de bois se fait plus difficile. Quand les femmes doivent aller encore plus loin, passer plus de temps à ces tâches, leurs filles sont les premières à subir les conséquences, à devoir quitter l’école pour aider la mère. La malnutrition guette, la productivité est difficile à maintenir. Selon une étude réalisée au Gujarat, les femmes passent en moyenne quatre ou cinq heures chaque jour à ramasser du bois. Avant, cette corvée se faisait seulement tous les quatre ou cinq jours.
Il y a aussi le problème de la qualité de l’air à l’intérieur des maisons. On estime que sur les quelque 3 millions de décès attribués chaque année à la pollution de l’air, 2,8 millions de cas (dont 2,2 millions dans les pays en développement) seraient causés par l’atmosphère viciée des logements. Les personnes les plus menacées par ce type de pollution sont les femmes des campagnes qui passent aussi des heures devant un foyer qui enfume la pièce.
A travers le monde, il semble que les femmes s’impliquent plus que les hommes dans la protection de l’environnement. Ce sont elles en tout cas qui subissent le plus les conséquences de la pollution et de la dégradation de l’environnement. Et pourtant, au niveau local, au niveau national, au niveau international, elles ont du mal à participer aux divers processus d’élaboration des politiques environnementales. Et pourtant, en matière de gestion de l’environnement, elles font mieux que les hommes.
Les hommes veulent leur repas tout prêt. Ca ne les intéresse pas de savoir d’où vient le bois pour faire le feu : ça c’est l’affaire des femmes.
Dans les campagnes indiennes, la pression sur l’environnement naturel s’accroît continuellement, les conditions écologiques se dégradent fortement, ce qui pousse les hommes à quitter leur domicile pour aller gagner un peu d’argent dans les villes. Au Bihar et en Uttar Pradesh, il existe une forte migration d’ouvriers agricoles, et c’est la même chose pour les pêcheurs de Kanyakumari, tout au sud du pays. Les populations tribales et nomades ont été très affectées par la déforestation et la disparition des pâturages traditionnels. Nombreux sont ceux qui, n’ayant plus de terre à leur disposition, partent à la recherche de n’importe quel travail pour survivre.
Qu’advient-il aux femmes qui restent derrière ? Chez les travailleurs migrants, le divorce est fréquent, les épouses sont plus ou moins délaissées. Les ressources d’une femme qui assume seule les responsabilités du ménage sont généralement plus faibles que lorsque l’homme est là : on observe cela partout dans le monde. Sur le milliard et demi de gens qui vivent dans une grande pauvreté, 70 pour cent sont des femmes.
Selon M. S. Swaminatam, agronome bien connu, dans 25 pour cent des familles pauvres, la femme est la seule ou la principale source de revenus. La femme est la seule pourvoyeuse adulte de revenus dans pratiquement 19 pour cent des ménages indiens.
Quand le bois et le fourrage se raréfient, il n’y a plus assez de fumier pour engraisser les champs. La bouse de vache séchée sert de combustible pour la cuisine, et les sols s’appauvrissent rapidement. Plus les femmes parcourent de longues distances pour collecter du bois et du fourrage, sous l’effet de la déforestation, moins il leur reste de temps pour s’occuper de l’exploitation. Piégées dans ce cercle vicieux, elles sont durablement aspirées par la pauvreté.
disruption of the ecological balance, woman, poverty, rural population, women work
, India
Texte traduit en français par Gildas Le Bihan et publié dans la revue Notre Terre n°15 - décembre 2004
Texte d’origine en anglais publié dans la revue Down To Earth : Women and environment. Down To Earth vol. 13 n°4, Center for Science and Environment, 15 juillet 2004 (INDE), supplément p.66-79
CRISLA (Centre d’Information de Réflexion et de Solidarité avec les Peuples d’Afrique d’Asie et d’Amérique Latine) - 1 avenue de la Marne, 56100 Lorient, FRANCE - Tel : 08 70 22 89 64 - Tel/Fax : 02 97 64 64 32 - France - www.crisla.org - crisla (@) ritimo.org